Gabon/ L’absence de l’article 39 de la Charte de la Transition dans la nouvelle Constitution : à quoi expose t-elle le pays si jamais Oligui venait à briguer la magistrature suprême en 2025 ?
L’élaboration d’une nouvelle Constitution constitue une opportunité cruciale pour réformer les institutions, renforcer l’État de droit et instaurer une gouvernance démocratique et transparente. Cependant, l’absence de l’article 39 de la Charte de la Transition dans la nouvelle Constitution gabonaise soulève des interrogations majeures quant à la continuité, la légitimité et les intentions politiques derrière cette omission. Une régression dans la continuité des engagements transitionnels.
Pour vous rafraîchir la memoire, voici ce que dispose l’Article 39 de la Charte de la Transition :
Le Président de la Transition entre en fonction sept (07) jours au plus après sa désignation.
Avant d’entrer en fonction, il prête devant la Cour Constitutionnelle le serment suivant : « Je jure devant Dieu et le peuple gabonais de préserver en toute fidélité le régime républicain, de respecter et de faire respecter la Charte de la Transition et la Loi, de remplir mes fonctions dans l’intérêt supérieur du peuple, de préserver les acquis démocratiques, l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national. Je m’engage solennellement et sur l’honneur à mettre tout en œuvre pour la réalisation de l’unité nationale ».
Après la cérémonie d’investiture et dans un délai de quarante-huit (48) heures, le Président de la Cour Constitutionnelle reçoit publiquement la déclaration écrite des biens du Président et du Vice-président de la Transition. Cette déclaration fait l’objet d’une mise à jour annuelle.
Dans un délai maximum d’un (1) mois avant la fin de la transition, il reçoit une seconde déclaration écrite des biens. Celle-ci est publiée au Journal officiel accompagnée des justificatifs éventuels en cas d’augmentation du patrimoine.
Cette obligation de déclaration des biens s’applique également à tous les membres des organes de la Transition institués par la présente Charte, à l’entrée et à la fin de leurs fonctions.
LES ENJEUX DE L’ARTICLE 39 :
L’article 39 de la Charte de la Transition incarnait un engagement explicite envers des principes fondamentaux tels que la transparence, la reddition des comptes et la limitation des abus de pouvoir. Cette disposition, souvent perçue comme un garant de la moralisation de la vie publique, aurait dû être intégrée dans la nouvelle Constitution pour pérenniser ces valeurs. Son absence suggère une rupture avec les engagements initiaux de la Transition, risquant de discréditer l’ensemble du processus constitutionnel. Une atteinte à la crédibilité du processus constitutionnel
Le retrait d’un article aussi central, sans justification officielle ni débat public substantiel, laisse place à des soupçons d’opacité et de manipulation. En tant qu’expert, on peut y voir une stratégie visant à éluder certaines responsabilités institutionnelles ou à affaiblir des mécanismes de contrôle qui auraient pu contraindre les dirigeants à plus de transparence. Cela compromet la confiance des citoyens dans l’intention réformatrice de la Transition. Un recul dans la construction d’institutions fortes comme proné par le CTRI.
L’article 39 portait en lui l’idée d’un État fondé sur des institutions et non sur des hommes. Son absence dans la nouvelle Constitution traduit potentiellement un retour au primat des intérêts personnels ou claniques sur l’intérêt général. Cette omission risque d’affaiblir les garde-fous institutionnels et d’ouvrir la voie à une personnalisation excessive du pouvoir, rappelant les dérives des régimes précédents. Une contradiction avec les principes de la Transition.
La Transition s’est construite sur un discours de rupture avec les pratiques opaques et arbitraires du passé. En écartant un article aussi symbolique que le 39, la nouvelle Constitution semble aller à l’encontre des valeurs de transparence et de responsabilité prônées par le régime transitoire. Cela pourrait être interprété comme un abandon des idéaux fondateurs de la Transition au profit d’une consolidation du pouvoir en place. Recommandations pour une réforme inclusive et légitime
Pour rétablir la confiance et garantir la légitimité de la nouvelle Constitution, il serait indispensable de :
Rétablir l’article 39 dans une forme adaptée : Cela permettrait de consolider les mécanismes de transparence et de renforcer la confiance des citoyens dans les institutions.
Justifier publiquement son absence : Une explication claire et argumentée pourrait dissiper les doutes sur les intentions réelles du régime transitoire.
Renforcer le rôle des consultations publiques : Associer davantage la société civile et les citoyens au processus de rédaction constitutionnelle éviterait les omissions perçues comme arbitraire.
En définitive l’absence de l’article 39 de la Charte de la Transition dans la nouvelle Constitution gabonaise représente une occasion manquée de renforcer les bases d’un État démocratique et transparent. Au lieu de garantir la continuité des engagements transitionnels, cette omission crée une incertitude qui pourrait éroder la crédibilité des autorités actuelles. Pour éviter une crise de légitimité, il est impératif que les rédacteurs de la nouvelle Constitution adoptent une approche plus inclusive et respectueuse des principes qui ont initialement guidé la Transition.
John Bikorvoser