Gabon/ Henri-Claude Oyima : Un conflit d’intérêts qui ébranle les fondements de la nouvelle République
La nomination d’Henri-Claude Oyima au gouvernement gabonais en mai 2025 aurait dû symboliser le renouveau promis par la 5ème République. Pourtant, cette désignation révèle aujourd’hui une inquiétante continuité avec les pratiques d’un passé que le pouvoir actuel prétendait rejeter. Ministre de l’Économie et des Finances tout en demeurant PDG de BGFIBank, Oyima incarne un conflit d’intérêts flagrant qui met à mal les principes de bonne gouvernance.
L’accumulation des mandats atteint ici des proportions inédites. À 72 ans, après quarante-deux ans à la tête de BGFIBank, Oyima se retrouve simultanément juge et partie dans la supervision du secteur financier gabonais. La banque qu’il dirige continue d’ailleurs d’officialiser ses décisions « sous la supervision du PDG », selon ses propres communiqués, confirmant ainsi le maintien de son emprise sur l’institution.
Cette situation pose des problèmes éthiques majeurs. Comment le ministre peut-il réguler objectivement un secteur où sa banque occupe une position dominante ? Comment arbitrer équitablement les dossiers de dette publique lorsque son établissement en est l’un des principaux créanciers ? Ces questions ne relèvent plus de la simple hypothèse mais d’une réalité quotidienne qui mine la crédibilité des institutions.
Le mépris affiché pour les règles élémentaires de déontologie atteint son paroxysme avec le refus d’Oyima d’occuper les bureaux du ministère. Prétextant leur vétusté, il préfère diriger les finances publiques depuis le siège luxueux de BGFIBank, confondant allègrement service public et intérêts privés. Ce choix symbolique en dit long sur ses priorités réelles.
Face à ce scandale institutionnel, le silence du président Oligui Nguema interroge. La Constitution qu’il a promulguée interdit pourtant explicitement de tels cumuls. Les textes de la CEMAC, dont le Gabon est membre, prévoient des garde-fous contre ces conflits d’intérêts. L’inaction des autorités compétentes face à cette situation ouvre la porte à tous les soupçons.
L’histoire trouble de BGFIBank, marquée par son implication dans plusieurs affaires financières controversées sous les régimes précédents, rend ce cumul encore plus préoccupant. En maintenant Oyima à ce double poste, le pouvoir prend le risque de discréditer ses propres réformes et de décourager les investisseurs étrangers soucieux de transparence.
Ce cas emblématique constitue un test décisif pour la 5ème République. La crédibilité du projet de renouveau politique promis par le président Oligui Nguema se joue aujourd’hui dans sa capacité à mettre fin à cette situation inacceptable. Le Gabon, qui mérite une véritable rupture avec les pratiques d’antan, ne saurait se contenter d’un simple ravalement de façade.