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Réunis en Conseil des ministres le 29 mars, les membres du gouvernement de la République.gabonaise ont adopté un projet de texte qui modifie le décret n°0404/PR/MENESTFRSCJS du 26 septembre 2012 fixant les conditions d’attribution, de transfert et de suspension de bourses. Le gouvernement est ainsi revenu sur une mesure sociale emblématique du premier septennat d’Ali Bongo qui avait consacré le caractère universel de la bourse d’études dans l’enseignement supérieur sous réserve d’être titulaire du baccalauréat, d’effectuer des études à plein temps et d’être de nationalité gabonaise.

Les élèves, hier, dans la rue pour réclamer l’annulation des nouvelles mesures d’attribution des bourses…

Désormais, l’accès à la bourse d’études sera plus restrictif. Le gouvernement a choisi d’introduire un critère de mérite (une moyenne générale supérieure ou égale à 12/20 à l’examen du baccalauréat) et un critère d’âge (le bénéfice de la bourse est réservé au bachelier de 19 ans au plus).

Si l’attribution de la bourse au mérite peut valablement se défendre pour son caractère vertueux, l’exclusion de certains étudiants gabonais du bénéfice de la bourse nationale uniquement en raison de leur âge parait inadapté, inéquitable et en déphasage avec les réalités sociologiques du Gabon.

Taux de redoublement le plus élevés dans le monde

Si de nombreux étudiants gabonais obtiennent leur baccalauréat au-delà de 19 ans, c’est principalement parce que le système scolaire gabonais favorise les redoublements par son organisation, ses grèves à répétition, son sureffectif dans les salles de classe ou l’absence récurrente de professeurs dans certaines disciplines parfois pendant toute la durée de l’année scolaire.

Dès 2013, la Banque mondiale s’était inquiétée du taux redoublement particulièrement élevé enregistré dans les établissements scolaires au Gabon. Dans un rapport sur la croissance et l’emploi, celle-ci soulignait :

« Dans l’enseignement primaire, le taux de redoublement est le plus élevé de tous les pays du monde pour lesquels cette statistique est connue.

Il a atteint 37% en 2008 (dernières statistiques connues), soit deux fois la moyenne africaine. En outre, moins de 5% des élèves admis en première année terminent le cycle primaire sans avoir redoublé.

Le taux de redoublement au cycle primaire est amplifié par l’existence d’un concours d’entrée en première année du secondaire qui ne se justifie que par l’absence de places disponibles suffisantes ».

Ainsi, avant d’envisager toutes mesures restrictives à 1 Décret n° 0404/PR/MENESTFRSCJS du 26 septembre 2012 fixant les conditions d’attribution, de transfert, de suspension de bourses, d’orientation, de réorientation, ainsi que les modalités de prise en charge par l’État des élèves et étudiants gabonais à l’étranger 2 Rapport sur la croissance et l’emploi en République gabonaise – Créer les conditions d’une croissance inclusive, Rick Emery Tsouck Ibounde, Patrick Hoang-Vu, Fallou Diey. Banque mondiale. 2013.

l’encontre des étudiants devenus bacheliers à plus de 19 ans, les responsables gouvernementaux auraient été mieux avisés de régler dans un premier temps les problèmes structurels de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur à l’instar de la construction de nouveaux établissements, l’équipement de salles de classe, l’amélioration du cadre d’apprentissage, la qualité de la formation et des conditions de travail des enseignants, etc.
Le gouvernement serait ainsi parvenu à régler le problème par les causes et non par les
conséquences.

Même si chaque élève porte une part de responsabilité de son échec scolaire, le gouvernement ne devrait pas ignorer celle de l’Etat, bien plus grande, et devrait s’abstenir de prendre une décision qui s’apparente à une sanction contre les victimes d’un système académique qui fonctionne mal depuis des décennies.

Par ailleurs, dans un pays où les responsables gouvernementaux disent placer l’éducation au rang des priorités nationales, on peut s’étonner que la modification des critères d’attribution des bourses annoncée ne poursuit aucun objectif académique mais vise simplement à réaliser des économies budgétaires.

En effet, pour justifier de l’opportunité du décret adopté en Conseil des ministres le 29 mars 2019, le communiqué final ayant sanctionné ces travaux indique :

« Le présent projet de décret a pour objectif d’adapter les conditions d’attribution des bourses aux évolutions économiques actuelles ». Ainsi donc, pour faire des économies les dirigeants gabonais ont préféré réduire la contribution de l’Etat dans la prise en charge des étudiants alors que l’exécutif aurait été mieux inspiré de réduire l’équipe gouvernementale toujours pléthorique, de réduire le nombre de députés qui s’est encore accru en 2008, de fusionner certaines agences à l’instar de l’Agence nationale pour la promotion des investissements (ANPI) et Autorité administrative de la ZERP de Nkok (AAN), supprimer le poste vice-président de République non indispensable, la chambre des sénateurs et d’autres institutions inutiles à
l’instar du Conseil national de la démocratie (CND) ou du Conseil économique, social et environnement (CESE) qui ne sont pas indispensables à la vie de la nation.

Remplacer la bourse d’études par un prêt étudiant, une mauvaise idée

Comme pour rattraper son erreur relative à l’introduction d’un critère d’âge dans les conditions d’attribution des bourses d’études, le gouvernement a créé pour les bacheliers de plus de 19 ans une allocation d’études leur assurant une prise en charge partielle sous réserve d’avoir obtenu le baccalauréat avec une moyenne supérieure à 12/20.

Cependant, cette allocation qui
crée un traitement différencié entre les étudiants selon leur âge n’est pas tout à fait claire.

En effet, le gouvernement s’est abstenu de communiquer sur ce que couvre sa prise en charge partielle et sur quelle durée celle-ci peut s’étendre. En outre, dès la mise en place de cette réforme, un étudiant de 20 ans ayant obtenu son baccalauréat avec 16/20 se verra refuser la prise en charge intégrale de ses études tandis que son voisin de 19 ans, qui aura obtenu son diplôme avec 12/20 sera pris en charge intégralement. Est-ce bien cela l’égalité des chances que le candidat Ali Bongo a promis aux gabonais lors de la campagne de l’élection présidentielle de 2016 ?

Bien décidé à ne plus assurer la prise en charge intégrale des bacheliers de plus de 19 ans, le gouvernement envisage de les orienter vers des établissements bancaires pour solliciter des prêts remboursables sur 5 ans par l’étudiant , garantis par sa famille et par l’État.

Cette solution de financement des études supérieures fréquemment utilisée dans les pays d’Amérique du Nord semble cependant difficilement transposable au Gabon dans les
conditions actuelles.

En effet, lorsqu’un établissement bancaire accorde un prêt étudiant, il fait le pari qu’à l’issue de sa scolarité, le bénéficiaire du prêt trouvera rapidement un emploi dont la rémunération lui permettra d’assurer aisément le remboursement du prêt dont la durée peut s’étendre sur plusieurs dizaines d’années. Or au Gabon, le taux de chômage des jeunes atteint 30% selon la banque mondiale, ce qui indique que de nombreux diplômés ne parviennent pas à s’insérer dans le marché du travail. Par ailleurs, l’administration publique, premier employeur du pays, a durablement gelé les embauches, limitant de fait la visibilité des potentiels établissements prêteurs sur les perspectives d’embauches des jeunes diplômés.

Il convient également de rappeler que de nombreux étudiants et leur famille sont insolvables.

À ce titre, le gouvernement doit tenir compte du fait qu’un grand nombre de familles ne pourront pas être appelées en garantie pour couvrir les prêts étudiants de leurs enfants, comment feront-ils pour obtenir un crédit dans ces circonstances ? Quelle confiance les banques accorderont à des étudiants insolvables garantis par l’Etat qui lui-même cumule des milliards FCFA d’impayés auprès de ces mêmes banques ?

Enfin, le gouvernement s’est abstenu de communiquer sur la valeur des prêts étudiants que devront contracter les étudiants auprès des banques pour bénéficier du financement de leurs études.

Une simulation du coût d’une formation supérieure 3 de la 1re année de Licence à la 2e année de Master au sein de 3 établissements d’enseignement supérieur reconnus d’utilité publique laisse envisager un besoin de financement pouvant aller de 6,9 millions FCFA jusqu’à plus de 11 millions de francs CFA. Des sommes qu’il faudra rembourser en 5 ans. Est-ce bien
raisonnable ?

Source : Mays Mouissi

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