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Monsieur le Ministre, j’ai l’honneur d’appeler votre haute attention, sur les conséquences que la crise ouverte au sein de votre département va avoir, et sur le citoyen dans son rapport avec la justice, et sur les partenaires au développement, dans leur confiance en notre pays.

Depuis près de vingt (20) ans, le service public de la justice traverse une crise structurelle particulièrement grave.
En réponse, plusieurs projets et études ont été menés, avec pour objectifs, de moderniser l’appareil judiciaire, de diversifier l’offre juridictionnelle, et de donner de l’attractivité à notre environnement des affaires.

En 2003, le Gouvernement avait convoqué les états généraux de la justice, et au vu des recommandations qui en ont résulté, il avait décidé d’inscrire la justice au nombre des priorités dans le cadre de la loi des finances de l’année 2005.

Sans réaliser ses engagements, le Gouvernement avait convoqué, trois ans plus tard, un colloque en 2008, sur l’amélioration des performances de la justice. Ajoutant à cette occasion, des recommandations supplémentaires, à celles qui existaient déjà.

Dans le même temps, toutes les politiques de développement élaborées au plan global, ont montré la place centrale de la justice, en tant que composante de régulation apte à sécuriser les investissements.

En consultant aussi bien le Document de Stratégie de Croissance et de Réduction de la Pauvreté (DSCRP), le Programme National de Bonne Gouvernance (PNBG), que les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), il se dégage clairement, que l’attractivité de l’environnement économique, et la crédibilité d’un pays auprès des partenaires au développement, s’apprécient à la qualité de sa justice.

Initialement formalisées dans le Plan sectoriel justice, le PSJ, les différentes études sont aujourd’hui actualisées par le Programme d’Appui au Renforcement de la Gouvernance Judiciaire, le PARGJ, seuls débats méritant d’opposer des acteurs judiciaires sur le devenir de la justice. Et partant, du pays.

A cette dimension structurelle, qui continue d’attendre des réponses plausibles pour insuffler de la modernité dans la gouvernance judiciaire, voilà que les acteurs judiciaires, eux-mêmes, ajoutent une dimension éthique, qui va plomber pour bien longtemps, notre environnement des affaires.

En recul de trois points cette année encore, sur l’indicateur de l’attractivité que tient la Banque mondiale, et que consulte tout investisseur pour se décider, le Gabon ne garantit pas la sécurisation des investissements. Et l’image que vous donnez de notre justice, n’est pas pour inverser la tendance.

Devant le Peuple Gabonais, au nom duquel cette justice est rendue, vous avez, en des termes particulièrement sentencieux, déclaré ce qui suit.

‘’La corruption de magistrats est un fléau social auquel les Gabonais sont quotidiennement confrontés. Car, il n’est pas rare de voir les Gabonais payer de fortes sommes à un juge pour obtenir des décisions de justice en leur faveur’’

Gardes des Sceaux, vous engagez la valeur de la parole publique en République Gabonaise, dans toutes vos affirmations de fait, et de droit.

Avocat nanti d’une longue expérience des prétoires, vous disposez de tous les leviers pour parler de la valeur des hommes, et de l’intimité des procédures.

A ces deux égards, et au-delà des magistrats, avec lesquels vous êtes en lutte pour la bataille de l’opinion, c’est aux agences de notation et aux institutions de régulation que vous avez parlé, et qui ont tout retenu.

En prononçant votre sentence, sans l’assortir d’un bénéfice de division qui aurait exonéré certaines entités de l’univers judiciaire, l’histoire a déjà retenu, que vous avez jeté un trouble profond, qui entache toutes les juridictions, au-devant desquelles votre office a été sollicité, et au-dessus desquelles, votre tutelle s’exerce.

Petit fait aux grands effets. L’amitié, réelle ou supposée d’un juge, aux petits soins d’une partie en instruction judiciaire devant lui, a suffit pour vous révolter, devant l’infamie de cette justice de complaisance.

A cette occurrence, l’histoire qui retient absolument tout, signale que vous avez été un grand plaideur devant la Cour Constitutionnelle, cette juridiction qui a toujours refusé à vos adversaires, le droit naturel de récuser un juge, notoirement convaincu de suspicion légitime, pour parenté patente et avérée, avec votre illustre client.

Sauf meilleure lecture, que j’ai hâte de connaitre, nous devons tous convenir devant l’histoire, qu’en prenant vos avantages au sommet de la pyramide judiciaire, devant une juridiction qui ne garantit à personne le droit à un procès équitable, vous avez alimenté les dysfonctionnements, et fait le lit à la justice de complaisance que vous combattez aujourd’hui à la base.

Au moment où vous endossez la responsabilité de toucher au Pacte républicain, je vous conjure d’avoir à chœur l’image de Thémis, qui ne regarde pas aux hommes, pour rendre une justice à la carte, mais place l’épée de l’autorité, au service de la balance de l’équité.

Pour restaurer l’image de ce pays, qui paye un lourd tribu à cette justice de complaisance, y compris devant la communauté internationale, il faut appliquer les grands remèdes, qui passent par une opération vérité, autour des grandes curiosités du Palais.

Cette opération vérité peut emprunter la voie d’une enquête parlementaire. Mais alors, d’un Parlement renouvelé, et véritablement représentatif de la nation.
Elle peut résulter d’une médiation de haut niveau, confiée à des sages au-dessus de toute clientèle, et affranchis de toute ambition personnelle.

Elle peut passer par un mécanisme d’auto évaluation par les paires, qu’il faut recruter au sein de chaque corporation, et appeler de manière paritaire au sein d’un conclave de sachants, qui saura parfaitement distribuer les mérites, et identifier les limites objectives du modèle judiciaire Gabonais.

Cette opération convoque le génie Gabonais, au chevet d’un département de souveraineté, et d’un pouvoir constitutionnel, englués dans des querelles de bas étage, au moment où notre justice doit s’élever au-dessus de la mêlée. Et rendre justice.

Monsieur le Ministre. Dans l’attente de l’option qui vous plaira. Et qui permettra aux Gabonais de prendre la parole. Je vous formule humblement, mes offres de franche collaboration, et vous affirme, mon profond respect.

MOUKAGNI-IWANGOU.

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